Aix-Marseille Université, 18 novembre 2017

Slides:



Advertisements
Similar presentations
大学法语四级考试纲要及 2008 年大学法语四级考试 试题分析 黑龙江大学 周振华 黑龙江大学 周振华.
Advertisements

全球經貿分析 歐洲-法國經貿市場分析 法國 指導老師:姜傳益老師 組別:第七組 組員:4950P003黃悅霖 4950P049王惠玲
Leçon 14. le pronom relatif « dont » 关系代词 dont 关系代词 dont 在从句中代替 de + 先行词,作间 宾或形容词、名词、数量补语等。
Le petit prince 来自星星的 主讲:Jessica 沪江ID:watertomato CT群:
La fête de France.
基础法语精讲 5 Serena.
Nom: Gabrielle Bonheur Chanel
Voltaire.
沪江网校2016年DELF法语班招生啦,详情咨询官方QQ:
1. 指示形容词 2. 重读人称代词 3. 专用名词前的定冠词 4. 词汇、课文、练习
莎翁原著《羅密歐與茱麗葉》 與法國音樂劇之比較
法國國歌—馬賽進行曲 硬漢隊: 任亮瀅 張貽涵 徐敏華 何俐葳 徐子修.
重庆主城区快速公交发展情况 The BRT Development of Chongqing Main City
Le français 基础法语二 黄菊.
Le français 基础法语二 黄菊.
Le français 基础法语二 黄菊.
Le français 基础法语二 黄菊.
Le français 基础法语二 黄菊.
Le temps de passé dans le français
LECON 18.
Français Leçon 2.
自动播放 您将听到完整的高音质的《兰色多脑河》
le meilleur acteur francais
Pour une critique de la traduction des chengyu
Congrès mondial de traductologie
Vos opérations bancaires pendant vos séjours en France, et avant de rentrer à Taiwan 留學法國銀行帳戶往來注意事項 Animé par LA Hung.
法文 授課教師:歐德尼教授 第二單元 Les Français et leurs animaux de compagnie
Sophie老师带你 用法语说 甜言蜜语. Sophie老师带你 用法语说 甜言蜜语 本课程大纲: —— 什么是“aimer”? —— 法语经典表白 —— 那些关于“爱情”的法语句子 —— 天黑说“晚安” —— Je t’aime 歌曲.
Comment se situer à Paris?
第一單元 La prononciation et les consonnes.
法文 授課教師:歐德尼教授 第二十二單元 Les Français et les fêtes. 法國人與法國節日
Pierre Chang 張乾坤 國立宜蘭大學助理教授
Zhigang YUAN le 8 fev Maison des Sciences de l’Homme
法文 授課教師:歐德尼教授 第十六單元 Quels sont vos programmes
法文 授課教師:歐德尼教授 第一單元 Découvrir Paris : première partie 探索巴黎part 1
法文 授課教師:歐德尼教授 第三單元 Voyelles 母音
Bienvenue 阿比蒂彼-特米斯卡明魁北克大学 (UQAT) 欢迎
Zhigang YUAN le 8 fev Maison des Sciences de l’Homme
法文 授課教師:歐德尼教授 Passé Composé(ⅠⅠ) : être ou avoir ? 第二十一單元 複合過去式(ⅠⅠ)
SimulationX 热学系统.
法文 第三單元 Les animaux familiers en France et à Taïwan(法國與台灣的寵物)
法文 授課教師:歐德尼教授 第十二單元 On pend la crémaillère ! 我們慶祝搬新家
Vos opérations bancaires avant d’arriver, pendant vos séjours en France, et avant de rentrer à Taiwan 銀行帳戶往來上幾點建議 Animé par LA Hung.
第十一單元:Parler de ses rendez-vous. (說說他的約會。)
François Rabelais est un écrivain français  humaniste de la Renaissance, né à  Chinon (dans l’ancienne province de Touraine),en 1483 ou 1484 selon.
Trajectoires écopoétiques dans la littérature taïwanaise contemporaine
Leçon 6.
Opportunités du marché des voyageurs Chinois en France
Leçon 5.
Leçon 15.
Sur la place Concorde, 2 voyageurs anglais perdent la direction 在協和廣場,
今日上海.
第二部分:法国大革命与欧洲.
影像/ 圖像解讀:記號學與符號學 錄影藝術中的時間因素 主講人: 季惠民老師.
Unité 2 Un brin de poésie... Pour commencer -Jacques Prévert
Plateforme Etudes en France
小小地球何其小 楊起編譯 (根據來自加拿大的一組幻燈片)
小小地球何其小 杨起编译 (根据来自加拿大的一组幻灯片)
Pourquoiçla politesse ?
XuY/ L’ART DU BONHEUR 幸福的艺术 文化传播网
五坐标双主轴龙门铣床.
法国MGEN: 以互助补充保险为解决方案 应对长期护理险面临的挑战 Jean-Louis DAVET MGEN集团执行总裁(CEO)
法國國家公共辯論委員會副主席,Jacques Archimbaud
法文 授課教師:歐德尼教授 第七單元 Trouvez votre Valentin(e) ! 尋找你(妳)的情人!
我的學思歷程 報告人:楊子葆 一、政治與歷史意識的省察 二、個人的內省與外觀 三、幾個關鍵的生命經驗 四、新外交與外交新思維 1.
Lesson /5/25 Dr. Montoneri.
Leçon 10 Lesson 10.
小小地球何其小 (根據來自加拿大的一組幻燈片)
小小地球何其小 楊起編譯 (根據來自加拿大的一組幻燈片)
小小地球何其小 楊起編譯 (根據來自加拿大的一組幻燈片)
Presentation transcript:

Journée d’étude « Attitudes et latitudes du traducteur des littératures d’Asie Aix-Marseille Université, 18 novembre 2017 Entre action et contemplation : De la traduction de la poésie du sociologue chinois Fei Xiaotong Kevin HENRY Université de Mons, FTI-EII Département de langue et culture chinoises Service de Communication écrite

Corpus 李昇明(2014年):《中国人的自觉:费孝通传》,北京,中信出版社(China Citic Press),430页 Li Shengming (2017) : Fei Xiaotong, l’homme qui voulait comprendre la Chine, traduit du chinois par Kevin Henry, Paris, Nuvis, 624 p.

Fei Xiaotong (1910-2005) Né dans le district de Wujiang à Suzhou, ce sociologue et anthropologue fut toute sa vie imbibé de la culture traditionnelle — celles des lettrés mandarins de l’ère impériale — incarnée par sa terre natale du Jiangnan. Sous l’égide de Robert E. Park à Suzhou puis de Malinowski et Firth à Londres, il fut l’un des premiers à importer en Chine les apports de l’école de Chicago et de l’approche fonctionnaliste dans les sciences sociales, qu’il appliquera dans son étude inlassable des campagnes chinoises. Après sa disgrâce pendant la Révolution culturelle, il connut une renaissance dans les années 1970 et 1980, période pendant laquelle il parcourut la Chine pour promouvoir, avec le succès que l’on sait, son modèle d’industrialisation des zones rurales. Œuvres principales : Peasant Life in China: A Field Study of Country life in the Yangtze Valley, 1939. Earthbound China: A Study of Rural Economy in Yunnan, 1945. 《生育制度》[Les institutions de l’éducation], 1947. 《乡土中国》 From the Soil: The Foundations of Chinese Society, 1948. 《乡土重建》[La reconstruction des campagnes], 1948. China’s Gentry: Essays in Rural-Urban Relations, 1953.

Poésie chinoise classique (Han, Tang et Song) Chants « populaires » (乐府) de la dynastie Han (de -206 à + 220) Genre issu des chansons populaires avant d’être repris et imités par les lettrés, principalement des hymnes rituels et ballades (y compris narratives) Passage progressif du schéma quatrisyllabique en vigueur depuis les débuts de la poésie chinoise vers les patrons penta- et heptasyllabiques. Poèmes réguliers (近体诗) de la dynastie Tang (618-907), représentés notamment par Li Bai (李白) : Poèmes de deux ou quatre distiques ; vers de cinq ou sept pieds chacun, avec césure interne Alternances de tons (平仄) et impositions de rimes complexes et figées Parallélisme grammatical obligatoire et fixé entre les deux vers de certains distiques, permettant notamment, par jeu de contrastes, la réactivation de métaphores usées Thèmes essentiellement lyriques, mais variations possibles et fréquentes sur des thèmes plus légers ainsi que sur l’épique ou le mystique religieux. Poèmes chantés de la dynastie Song (960-1279), représentés notamment par Su Dongpo (苏东坡) : Poèmes écrits sur une mélodie préexistante ; la longueur des vers, irrégulière, est déterminée par son tempo Malgré cela, règles tout aussi strictes — sinon davantage — que les poèmes réguliers des Tang pour ce qui est du nombre de couplets ou de la disposition des rimes et des tons Thèmes reflétant initialement le milieu des courtisanes où est née cette forme poétique (amour, séparation, ivresse), mais avec le temps se faisant plus sombres et tragiques Il est fait allusion à un poème de Li Bai à la page 224 (137 CH) ; un vers du mêmes poème est repris comme titre à la page 393 (278 CH) et est cité textuellement à la page 500 (339 CH). Il est fait mention de Su Dongpo à la page 43 (16 CH) ; l’un de ses poèmes est cité à la page 45 (18 CH), évoqué rapidement à la page 65 (30 CH) ; sa figure est invoquée à la page 134 (78) ; le même poème que précédemment est une dernière fois convoqué en comparaison avec Fei Xiaotong à la page 189 (114)

Exemples pratiques : citations 他难以忘怀王同惠,在一个夜 深人静的晚上,仰望伦敦夜空上的繁星点点,你是天上的哪一颗行星呢,俯看着 我独自一人在黑夜中跌跌撞撞地行走。“行行重行行,与君生别离。”那奔流滚滚 的思绪,活生生地被古诗十九首中的一句话拦截住,戛然而止。 (李昇明,第73页) Bien entendu, il ne pouvait pas oublier Wang Tonghui : une nuit, alors que l’obscurité enveloppait la ville silencieuse, il contempla les myriades d’étoiles qui semaient le ciel de Londres en se demandant quelle planète abritait sa bien-aimée et si elle le regardait progresser péniblement dans les ténèbres, tout seul. « Le voyage continue, encore et encore / Que dur il est de dire adieu à son seigneur » : ces pensées confuses et turbulentes qui le traversaient étaient si bien capturées et figées par ce vers des Dix-Neuf Poèmes anciens. (Henry, p. 126) 想当初,朝霞初升,他们在燕京大学恋爱 两年,刚结婚就去大瑶山做人类学野外调查,来不及伴随王同惠回邯郸看看,想 不到新娘永远回不来了。王同惠的身影似乎从未消逝,她生前留下一个遗愿,他 不敢辜负她的愿望。古诗有言,“与君生别离”,令人拍遍栏杆;“行行重行行”, 行走的脚步不敢停不下来。 (李昇明,第330页) Après deux ans d’idylle à l’Université Yenching — ô combien il se souvenait de ces rencontres dans la clarté de l’aurore ! —, les tourtereaux s’étaient mariés. Mais le sociologue n’eut jamais le temps de visiter le pays natal de son épouse : juste après leurs noces ils partirent en effet immédiatement dans les monts Da Yao pour y mener leurs enquêtes de terrain, sans imaginer un seul instant que Wang Tonghui n’en reviendrait pas. L’ombre de la jeune femme ne semblait jamais avoir quitté le sociologue, car celui-ci ne voulait pas la décevoir en abandonnant l’ultime tâche qu’elle lui avait assignée peu avant sa disparition. Comme dans ce fameux titre des Dix-Neuf Poèmes anciens, la douleur de l’adieu lui inspirait de la mélancolie et l’incitait à poursuivre son voyage encore et encore, sans jamais s’arrêter. (Henry, p. 488) +《行行重行行》Le voyage continue, encore et encore = Titre d’une anthologie d’essais de Fei Xiaotong parue en 1991 Les Dix-Neuf Poèmes anciens sont une anthologie datant probablement de la dynastie Han.

Exemples pratiques : citations 再比如“红门立雪”,费孝通骑车去找王同惠,穿越燕京大学西门,一座媲美王爷府邸的大红 门,红色撞击人的视线,给来过燕京大学的人留下难以磨灭的印象。他来到未名 湖畔姊妹楼附近的女生宿舍,在冰天雪地里安静地等待王同惠的倩影出现,头上 披着雪花,在雪中竟然一点也不觉得寒冷,自称红门立雪,与古诗词的“月明林下美人来”相媲美。 (李昇明,第51页) Pour aller chercher sa valentine, le jeune homme devait traverser les portes rouges de l’ancien manoir qui servait d’entrée ouest à l’Université Yenching. Ce portail vermillon qui barrait l’horizon était l’un des éléments qui impressionnaient le plus durablement tous les visiteurs. Arrivé au dortoir des étudiantes jouxtant le Lac sans nom, il attendait patiemment que surgisse la silhouette de sa bien-aimée Wang Tonghui. Malgré les flocons de neige qui tombaient sur sa tête, il ne souffrait aucunement du froid. Il parlait souvent de cette vision des portes rouges sous la neige, dont il comparait la beauté à l’image de ce vers d’un vieux poème : « Au clair de lune, sous le bosquet, la Belle s’en est venue ». (Henry, p. 97) > Extrait du poème《詠梅》[Pruniers en fleur], œuvre de 高啟 Gao Qi (1336-1374), poète du tout début des Ming qui participa notamment à la rédaction d’une Histoire de Yuan. (Traduction du Bertrand Goujard, sur le site Vent du Soir, consacré à la poésie chinoise tardive [http://www.ventdusoir-poesie.fr/printemps-prunier-parfum-54.htm]).

Exemples pratiques : citations 费孝通事前没有料到,这个国际局 势的变化竟然会给他带来人生的重大转机,忽如一夜春风来,千树万树梨花开。 (李昇明,第93页) Avant que cela ne se produise [le rapprochement sino-américain dans la guerre contre le Japon], Fei Xiaotong n’avait pas imaginé que les bouleversements formidables que le monde était en train de vivre lui offriraient la chance de sa vie comme le décrit si poétiquement ce vers célèbre : « On dirait qu’une nuit un vent printanier / A fait fleurir sitôt des milliers de poiriers. » (Henry, p. 156) 邯郸有“千树万树梨花开”的盛况,但愿整个中原大地也会“忽如一夜春风来”。 (李昇明,第332页) Si le succès annoncé de Handan rappelait à Fei Xiaotong les « milliers de poiriers en fleur » du poème de Cen Shen, il espérait vraiment qu’« une brise printanière » salutaire souffle enfin sur les plaines centrales. (Henry, p. 491) > Poème de 岑参 Cen Can / Cen Shen (715-770, dynastie Tang) 《白雪歌送吳判官歸京》[Chanson de neige, pour le secrétaire Xu retournant à la Capitale]

Exemples pratiques : citations […]去年一月,周总理关于知识分子问题的报告,像春雷般起了惊蛰作 用,接着百家争鸣的和风一吹,知识分子的积极因素应时而动了起来。但是对 一般老知识分子来说,现在好像还是早春天气。他们的生气正在冒头,但还有 一点腼腆,自信力不那么强,顾虑似乎不少。早春天气,未免乍寒乍暖,这原是最难将息的时节。 (李昇明,第172页) En janvier dernier, le Premier ministre Zhou Enlai, dans son rapport sur la condition des intellectuels, les a comparés aux orages du printemps qui réveillent les animaux et les insectes après l’hibernation : à la faveur du mouvement des Cent Fleurs, ces forces vives de la nation devaient à nouveau se mettre en marche. Cependant, pour bon nombre de vieux intellectuels, la période actuelle s’apparente davantage à la fin de l’hiver qu’au début du printemps. Certaines têtes commencent à se relever, mais timidement : apparemment, ils manquent de confiance en eux et rencontrent de nombreux soucis. La fin de l’hiver, avec ses oscillations perpétuelles entre tiédeur et froidure, est la saison la moins prompte à la récupération. (Henry, p. 272) 按照毛泽东的讲话精神,大胆地讨论知识分子问题,发出《知识分子的早春天气》的稿件,事前权衡过稿件有没有“不同政见”。当时请了三位朋友帮忙看 稿子,因为使用了“乍寒乍暖”这个词,被一位学者朋友批评:“你不懂古典诗词,就不要装样子用这种文雅的词语。”费孝通只好在一旁苦笑,以天气作比喻, 怎么扯到文雅不文雅去了呢。在讲话的鼓励下,各种批评意见喷涌而发,个别的 大学教授和民主党派人士的批评意见言辞激烈,超出执政党的意料。[…] 1957 年 6 月,气候非但不是乍寒乍暖,反而是大倒退。“百花齐放、百家争鸣”这两句话,被很多人与“诱敌深入,聚而歼之”联系在一起。毛泽东调整 了方向,一年前宣布阶级斗争已经成为过去,一年后的说法变成了阶级斗争还没有结束。 (李昇明,第174页) Vu l’ardeur avec laquelle Mao Zedong avait évoqué le problème des intellectuels, il hésita longtemps avant d’envoyer le manuscrit de son article « La fin de l’hiver des intellectuels », en raison des possibles points de vue « dissidents » qu’on aurait pu y trouver. Il demanda alors l’aide de trois de ses amis pour lire son épreuve. L’un d’entre eux critiqua son emploi de la formule « oscillant entre tiédeur et froidure » : « Que viens-tu chercher un vers d’un ancien poème ? Ne fais pas semblant de t’y connaître en utilisant des mots compliqués ! » Fei Xiaotong rit jaune : cette métaphore atmosphérique lui était venue naturellement. […] En juin 1957, non seulement le climat n’oscillait plus entre tiédeur et froidure, mais il devint glacial. Nombreux sont ceux qui associèrent l’appel « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » à un autre des slogans de Mao : « Attirer les ennemis dans un piège pour mieux les annihiler ». Le président lui-même effectua un revirement : après avoir annoncé un an auparavant que la lutte des classes appartenait au passé, il réaffirmait maintenant que celle-ci n’était pas terminée. (Henry, pp. 274-275) > La formulation originale de Fei Xiaotong (乍寒乍暖) était directement extraite d’un poème de 柴望 Chai Wang (1212-1280, dynastie des Song du Sud), 《念奴嬌》 [Souvenir d’une gracieuse enfant]

Exemples pratiques : poèmes lyriques 费孝通把恩师抱在怀中,眼巴巴看着 10 多年患难与共的恩师停 止最后一丝呼吸。他悲呼:“日夕旁侍,无力拯援,凄风惨雨,徒呼奈何!”(李昇明,第185页) Serrant dans ses bras son pauvre professeur [l’eugéniste Pan Guangdan] aux côtés duquel il avait traversé plus de dix ans de souffrances, Fei Xiaotong assista, impuissant, à son dernier soupir. Affligé, il s’exclama dans un poème : « Soir et matin, j’ai veillé à votre chevet / Mais malgré tout je n’ai pu vous venir en aide. / Quelle adversité, quelle profonde détresse ! / Que puis-je faire d’autre que me lamenter ! » (Henry, p. 289)

Exemples pratiques : poèmes lyriques 回到北京后,他写信给同行的朱通华说:“离杭那天,来了诗兴,写了两首,另纸写出奉上。室内君子兰是日盛放,有知己之感。” 两首诗文抄录如下: 嫩绿方抹湖边柳,淡妆未见西子瘦。 云掩桥头苏小墓,廿年莺语失轻舟。 瓯海驰骋千里还,天台雁荡送我归。 有情应怜书生志,临别花开君子兰。 (李昇明,第260-261页) Rentré à Pékin, il écrivit une lettre à son collègue Zhu Tonghua : « Depuis que j’ai quitté Hangzhou, l’inspiration m’est revenue et j’ai composé deux poèmes, que je joins à cette lettre. Les clivias de mon appartement semblent aujourd’hui s’épanouir, comme s’ils partageaient ma félicité. » Voici les deux poèmes en question : Des saules verdoyants lovés aux flans du lac, Au début du printemps, dans son éclat sans fard. La tombe de Xiaoxiao enveloppée de nuages : Depuis vingt ans déjà, aucun babil à bord. Courant depuis Ouhai je rejoins mon foyer. Je ne suis pas tout seul : Tiantai, Yandang me suivent. Percevant ma tendresse et ma noble ambition Les clivias fleurissent au moment de l’adieu. (Henry, pp. 390-391)

Exemples pratiques : poèmes lyriques 话说“诗以事而作”,相传大禹曾在甘肃临夏附近的 积石处治水,迈向现代化的民族和睦大业,与大禹治水异曲同工,诗中含有向几 千年前的民族先贤大禹致敬之意: 黄河天上来,冲折积石轴。 过峡入河州,起伏多滩谷。 坡田如棋局,麦黄牧草绿。 车绕三村过,儿童竞相逐。 (李昇明,第300-301页) La légende raconte que c’est près des monts Jishi, non loin de Linxia, que le roi Yu le Grand aurait dragué des canaux pour juguler les crues du fleuve. Travaillant quant à lui à l’harmonie des peuples dans une Chine en pleine modernisation, Fei Xiaotong s’identifiait en quelque sorte au sage souverain, auquel il rendit hommage dans ce poème : À l’horizon, le fleuve Jaune, brisant ses flots aux monts Jishi, Après les gorges entre à Linxia, flot torrentiel dans la vallée. De vastes champs sur les collines : épeautre jaune et verts pacages. Sur mon chemin, trois gais villages : jeunes enfants qui font la course. (Henry, pp. 447-448)

Exemples pratiques : poèmes lyriques 从大瑶山下来 后,又辗转到梧州白鹤山的王同惠墓前悼念。墓碑上的文字是他在半个世纪前亲 笔题写的:“妻年二十有四,河北肥乡县人,来归祇一百零八日。人天无据,灵会难期,魂其可通,速召我来。” […]回到北京,费孝通用一首诗实现与 王同惠深情款款的灵魂对话,即《谒同惠碑有感》。俯仰天地,这一生的浮浮沉 沉,有谁懂,与谁同: 心殇难复愈,人天隔几许。圣堂山下盟,多经暴风雨。坎坷羊肠道,虎 豹何所沮。九州将历遍,肺腑赤心驱。彼岸自绰约,尘世惟蚁聚。石碑埋又 立,荣辱任来去。白鹤展翅处,落日偎远墟。 (李昇明,第330页) Après être redescendu des monts Da Yao, Fei Xiaotong fit encore un détour vers la Montagne de la Grue blanche à Wuzhou pour se recueillir devant la tombe de Wang Tonghui. La stèle commémorative sur le site, aujourd’hui redressée après avoir été abattue plusieurs fois pendant les années de troubles, conservait le message gravé par la sociologue plus d’un demi-siècle auparavant : « À ma bien-aimée compagne, née à Feixiang dans le Hebei, qui s’en est allée à sa vingt-quatrième année, cent huit jours seulement après notre mariage. C’est dans les profondeurs des eaux que mon épouse éprise d’amour a quitté ce monde. Les arcanes de l’au-delà sont malheureusement trop mystérieux pour que je puisse espérer l’y revoir. Ô mon âme perdue, que ne me fais-tu de signe pour m’instruire de ta condition ? » […] De retour à Pékin, le sociologue engagea un dialogue imaginaire avec son épouse à travers son poème Hommage devant la stèle de Wang Tonghui, une œuvre profondément personnelle marquée par toutes les épreuves que l’homme avait pu traverser au cours de son existence : Jamais on ne guérit de la disparition de sa jeune compagne, Car long est le chemin séparant les cieux de la vie ici-bas ! Au pied du mont Shentang, j’ai prêté un serment ; / Malgré vents et marées, j’ai tenté de lutter. Sur les sentiers étroits et les côtes escarpées, / Ni tigre ni panthère ne pouvait m’arrêter. Gardant ton souvenir au tréfonds de mon cœur, / Toujours je parcourrai l’Empire du Milieu. Ô gracieuse enfant éclairant l’autre rive, / Vois comme je suis seul dans ce monde agité ! Ta stèle funéraire, abattue, redressée, / Connut, tout comme moi, la gloire et l’infamie. Tandis que le soleil dans le lointain se couche, / La grue élégamment éploie ses ailes blanches. (Henry, p. 487)

Exemples pratiques : poèmes lyriques 至此,费孝通完成了漫长的西行,一路上且行且歌,有诗为证: 黄河九曲十八弯,琴声滑落思汉唐,欲问丝路今何在,日出泰山照东方。 (李昇明,第354页) Tout comme les chansons populaires n’avaient jamais cessé de l’accompagner tout au long de son périple vers l’Ouest, Fei Xiaotong finissait naturellement son parcours dans le Shandong par un poème : Sur les méandres capricieux du fleuve Jaune, Le son grave du luth vient guider mes pensées. Quand je cherche aujourd’hui la Route de la soie, Du mont Tai, le soleil illumine l’Orient. (Henry, p. 521)

Exemples pratiques : poèmes lyriques 对一 座座新的江南小镇平地而起,一窝蜂盖起的现代建筑群,车水马龙,川流不息, 到处是停不下来的身影。他想起了中国人说的“韵味”一词,总得还有点千年文 化遗留下来的韵味吧。别人无所谓,可他还想多看几眼老江南,曾留下一首意味 深长的诗: 为觅童时境,弃车入旧镇。小桥流水石驳岸,实物犹存未失真。老妪腰 缠裙、头扎巾,小我二十春。叩问何不移家入新村?答云“鸡犬尤恋窝,此 处多旧邻”。街狭弄深楼相接,推窗攀谈笑语频。沿街堂前摆餐席,谈笑不 避过路人。满桌多乡味,鱼鲜菜蔬新。此地无惊险,欢乐属天伦。揖别老乡 亲,低头自思量;推陈乃出新,文化转型何其如此费精神? (李昇明,第413页) En voyant la vitesse avec laquelle de nouvelles villes se dressaient devant ses yeux dans le Jiangnan, avec toutes ces tours qui poussaient comme des champignons, ce trafic incessant dans les rues et ce flux constant de silhouettes qui ne semblaient jamais vouloir s’arrêter, Fei Xiaotong pensait au vieux mot yunwei, « la grâce, le charme », indiquant qu’il subsistait des traces de cette culture millénaire raffinée qui avait autrefois régné en maître en ces lieux. Si les autres s’en moquaient, lui-même aurait souhaité pouvoir en effet retourner dans le vieux Jiangnan de sa jeunesse, comme il l’exprime dans ce poème si pénétrant : Pour retrouver intact le monde de l’enfance, je quitte ma voiture pour gagner le vieux bourg. La rivière, le pont, la haute digue en pierre : tout me semble à sa place, fidèle à ma mémoire. Les tabliers des femmes, les fichus sur leurs têtes, me replongent soudain au temps de mes vingt ans. Beaucoup m’ont demandé pourquoi je reste ici, plutôt qu’emménager dans un nouveau logis. À ceux-là je réponds : « Les poules et les chiens n’aiment-ils pas leur gîte ? En ce lieu j’ai gardé nombre de relations. » Dans les ruelles étroites et les venelles obscures, les volets grands ouverts laissent éclater les rires. Nul ne peut esquiver le son des causeries qui vibrent dans les cours où l’on festoie gaiement. Légumes de saison et poissons frais du jour : les tables sont garnies de mets appétissants. Dans ce lieu irréel, nulle angoisse ou terreur : juste le pur bonheur de la vie de famille. Quand enfin vient l’instant de quitter le pays, j’incline alors la tête, plongé dans mes pensées. Liquider le passé, construire l’avenir : Point étonnant dès lors que cette transition demande tant d’efforts. (Henry, p. 597-598)

Exemples pratiques : poèmes lyrico-politiques 事实就是力量,只有苏南乡镇企业取得的成就越来越好,反对的声音才会渐 渐衰弱下去。费孝通写了一首诗:“梦回苦日短,碌碌未敢休。文章千古事,万顷一沙鸥。” 他在一个会议上说:“太湖是万顷,我是一沙鸥,需要靠大家的力 量。”(李昇明,第242页) En effet, à mesure que les sociétés populaires engrangeaient des résultats toujours plus importants, les voix discordantes se turent les unes après les autres. Fei Xiaotong rappela ce succès dans l’un de ses poèmes : « Dur labeur quotidien, mouvements incessants, / Mais le rêve attendu bientôt fera surface. / Par mes œuvres j’évoque les beaux jours du passé, / Mouette solitaire dans les vastes étendues. » Il s’expliqua sur la signification de ces vers lors d’une conférence : « Les vastes étendues symbolisent le lac Taihu ; la mouette, c’est moi, parce que je dois m’appuyer sur les forces de chacun. » (Henry, p. 368)

Exemples pratiques : poèmes lyrico-politiques 1984 年 5 月,在走访苏北的路上,费孝通写了一首诗:“幼负经世志, 峥嵘笔墨中。寒江秋月夜,愧对一钓翁。”到了名扬千古的“二十四桥明月夜” 现场,缘何没有闲情逸致去欣赏月映明楼?皆因失去的时间太多,总想多走多看 多写,只好对“独钓寒江雪”的“孤舟蓑笠翁”说声抱歉。 (李昇明,第243页) En mai 1984, en route vers le nord-Jiangsu, le sociologue écrivit ces vers : « Dès ma verte jeunesse, l’ambition fut plus forte : / Les affaires d’État seraient mon quotidien ; / Et de vivre toujours, les lettres, ma raison. / Une nuit automnale : dans les cieux luit la lune. / Que de regrets, hélas ! mais je n’ai point le temps / D’admirer les pêcheurs sur le fleuve tranquille. » Arrivé à Yangzhou, la cité aux « vingt-quatre ponts », Fei Xiaotong n’eut malheureusement pas le loisir de contempler le reflet des antiques demeures dans les eaux du Grand Canal au clair de lune. Soucieux de ne plus perdre de temps, il ne pensait en effet plus qu’à observer et à écrire, s’excusant uniquement auprès du « vieux pêcheur vêtu d’une cape de bambou, dans son petit bateau sur la rivière enneigée ». (Henry, p.369-370) > Le surnom donné à la ville de Yangzhou est une référence au poème 《寄揚州韓綽判官》 [Message à Han Chuo, magistrat de Yangzhou] de l’auteur des Tang 杜牧 Du Mu (803-852). La dernière image du pêcheur est tirée du second quatrain du poème 《江雪》 [Rivière enneigée] du grand prosateur des Tang 柳宗元 Liu Zongyuan (773-819).

Exemples pratiques : poèmes lyrico-politiques 归途路上,入住天台宾馆,夜幕下的天台山格外宁静,远处的两座山峰相 拥而立,很像一对不惧风雨的恋人。费孝通触景生情,即兴写下一首诗:“烟幕轻笼灵山巅,双峰紧偎正相恋。妪童偷窥心情异,一任众口说万千”。那个晚上, 他一直在忙碌填写诗词。诗词不太好懂,大概可以联想出两个意思,前两句借景 抒情,说他的情不变。千年万年的山峰是谓不变,互相依偎是谓情,比喻他心中 不变的乡土情。后两句说他的意也坚决,始终相信“从土地长出乡村工业,从乡 村工业长出民族工业”。诗歌留有余地,其他的意思不再猜测了。最后的一句话 “一任众口说万千”,道出了一个有争议的背景,隐喻其复杂心情。这首诗是山外有山,看似是讲述情怀,其实也是以诗言志。那是他一生无法放弃的书生志。 (李昇明,第258页) À la tombée de la nuit, les deux sommets du paisible mont Tiantai se dressant dans le lointain ressemblaient à un couple d’amoureux indifférent à la fureur des éléments. Observant ce paysage avec nostalgie depuis son hôtel non loin de là, Fei Xiaotong s’empressa de composer ces vers : « Un rideau de brouillard couvre les hautes cimes ; / Comme deux amants fous, les deux sommets s’étreignent. / La mère couve ses fils d’un œil très attentif / Leur accordant à tous l’expression la plus libre. » Il avait passé toute la soirée à écrire ainsi des poèmes. Celui-là, assez obscur, reflétait son état d’esprit. Sur un ton lyrique, les deux premiers vers indiquaient que ses liens affectifs n’avaient pas changé : les sommets immobiles qui s’appuyaient l’un sur l’autre depuis des millénaires évoquaient l’amour de la terre qui brûlait encore dans son cœur. Les deux derniers vers traduisaient quant à eux la détermination sans faille d’un homme qui croyait fermement que la Chine pourrait entamer sa transition « du travail de la terre à l’industrie rurale », puis « de l’industrie rurale à l’industrie nationale ». L’image d’« expression libre », évoquant une controverse, dévoilait la complexité de ses sentiments. Avec ces métaphores à double sens exprimant aussi bien l’humeur que le génie de leur auteur, ce poème démontrait que Fei Xiaotong ne pouvait abandonner sa mentalité d’érudit. (Henry, p. 387)

Exemples pratiques : poèmes politiques 说点题外话,作为一位1910年出生的人,费孝通沾了一点半点清朝的边缘, 虽未目染鼎鼎大名的清朝士大夫,也有所耳闻。在他的心目中,可能有两位印象 最好的士大夫。对于一生命运坎坷、一身正气凛然的林则徐,他写过一篇短文 追思先贤,把林则徐当成民族的榜样。另一位是左宗棠,记得左宗棠写过一首很 有名气的十六字励志诗:“身无半亩,两袖清风;读破万卷,神交古人。”三言两语,就把文人的风骨说得如此到位,还很传神,令人颇为赞赏。 晚年的费孝通也写过与心声共鸣的十六字励志诗:“胸怀全局,脚踏实地;志在富民,皓首不移。”前一半说学术态度,主外在;后一半说做人态度,主内心,把个人的心 胸和追求概括得非常到位,似乎想跟左宗棠呼应一把。不过他还有另一个十六字 诗,展现的境界更高远。 (李昇明,第410页) Né en 1910, Fei Xiaotong restait malgré lui imprégné par l’esprit de la dynastie Qing, et bien qu’il n’ait jamais rencontré directement l’un de ces célèbres mandarins qui avaient fait la grandeur de l’Empire, leur souvenir lui était familier. Deux de ces notables en particulier avaient exercé une forte impression dans l’esprit du sociologue. Dans un court essai, Fei Xiaotong avait tout d’abord loué les mérites de Lin Zexu, dont le sens moral n’avait jamais failli en dépit de tous les caprices de sa destinée. Du second, Zuo Zongtang, il retenait surtout ce poème énergique et puissant : « Jamais propriétaire, toujours incorruptible ; pour seuls amis les livres, les anciens pour seuls guides. » À travers ces quelques mots admirables, le général résumait de manière vivante et expressive ce que la carrière de lettré signifiait pour lui. Dans ses vieux jours, comme en écho à Zuo Zongtang, Fei Xiaotong traduisit ses aspirations dans des vers : « Le cœur vers le Grand Tout, les pieds sur le terrain. Combattre la misère : mon crédo pour toujours. » La première moitié du poème évoquait sa carrière académique ; la seconde, sa quête d’humanité. Une autre incantation devait toutefois incarner sa vision du monde. (Henry, p. 593)

Exemples pratiques : poèmes politiques 1990年12月,费孝通应邀到日本进行文化访问,日本学术界以费孝通80岁生日为契机,特地为他举办一个“东亚社会研究讨论会”。费孝通做了一场 《人的研究在中国》的演讲,在房间休息时,他瞬间迸发出一个灵感,在宾馆里 找来一张纸,挥笔写下了十六字诗:“各美其美,美人之美,美美与共,天下大同。”这是费孝通积累了一生的文化思想,在80岁的时候沉淀了,升华了,羽化了,运用了囊括生活、艺术和哲学的“美”字,它展现了文化意义的全球一体化,铺设出一条通往人类和平的大道。(李昇明, 第410页) En décembre 1990, alors que Fei Xiaotong avait été invité au Japon pour une visite culturelle, ses hôtes nippons, à l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire, organisèrent en son honneur un « Colloque sur les études sociologiques en Asie orientale ». Après avoir prononcé à cette occasion un discours sur « L’étude de l’Homme en Chine », Fei Xiaotong, pris par une soudaine inspiration, composa dans sa chambre le poème suivant : « À chacun sa beauté, à chacun son attrait. La grande réunion, un gage de la paix. » Sublimant la somme de connaissances que l’octogénaire avait pu accumuler pendant sa longue carrière, ces quelques vers — en particulier le mot beauté, lourd de tant de connotations artistiques et philosophiques — symbolisaient l’universalité de la culture et semblaient tracer la route vers cette paix que l’humanité désespérait de trouver (Henry, p. 593)

Exemples pratiques : poèmes politiques 人类怎样在21世纪和平生存下去呢?我倾向于认为历史上群体间所有意识形态之争,不论是宗教战争、民族冲突以至结束不久的冷战,实质上是 群体间物质利益的争夺,意识形态的水火不相容是借口和掩饰。我也承认意识形态的歧义被利用作为借口,也有人类常有的心态作为基础。那就是“各美其美”的群体在互相接触中,产生了“唯我独美”的本位中心主义,或者自我优越感。中国古书就记下了“非我族类,其心必异”。本位中心主义 必然会发展到强制别人美我之美。我国古代的孔子从根本上反对本位中心主 义,提出“有教无类”,“己所不欲,勿施于人”。人的价值观念可以通过教 育取得一致,但是不能强加于人。在群体间尚没有通过长期的交流建立自觉 的融合之前,我们要学会“美人之美”,只要我们能更上一个认识层次,大 家在求同存异的原则上可以建立起亲密的和平共处。这个全球性大社会,我 们古人就称为大同世界的共同道德秩序。 (李昇明,第411-412页) Comment les hommes pourraient-ils maintenir la paix au XXIe siècle ? À mon avis, il faut avant tout comprendre la nature profonde non seulement des guerres de religion, des chocs de civilisation ou de cette Guerre froide qui vient de s’achever, mais plus généralement de tous les affrontements idéologiques qui ont opposé les communautés humaines tout au long de l’Histoire. En fait, dans bien des cas les incompatibilités idéologiques sont des prétextes et des paravents cachant des luttes d’intérêts matériels. Bien que ces ambiguïtés aient souvent servi de faux mobiles, je reconnais toutefois que certains conflits y tirent directement leur source. C’est ainsi que, au contact entre les communautés, le « relativisme culturel » (« À chacun sa beauté ») a laissé petit à petit la place à un sentiment de supériorité culturelle (« Nul aussi beau que moi »). Une telle infatuation incite naturellement tout un chacun à vouloir soumettre les autres à sa propre vision du monde. Le philosophe chinois Confucius, opposé par principe à toute forme d’orgueil et d’égocentrisme, avait proposé un « enseignement sans distinction de classes » et exhorté les hommes à « ne pas faire aux autres ce que l’on ne voudrait pas que l’on fît à soi-même ». L’éducation peut certes unifier les systèmes de valeurs, mais ceux-ci ne peuvent être imposés aux hommes. Tant que les communautés n’auront pas consciemment fusionné leurs valeurs au gré des contacts et des échanges, il nous faudra apprendre à apprécier la beauté de chaque culture (« À chacun son attrait »). Ce n’est qu’en prenant de la hauteur, c’est-à-dire en cherchant les points de convergence au-delà des différences, que l’on pourra établir une coexistence pacifique durable entre tous les groupes humains. Cette société globalisée concrétisera alors la « Grande Union », ce rêve d’un ordre moral commun à tous les hommes auquel avaient autrefois aspiré nos ancêtres. (Henry, p. 595)

Merci de votre attention ! Questions et remarques : Kevin.Henry@umons.ac.be